Edmund Blair Leighton, un peintre onirique

Mode sombre

Un vieil article ressorti du placard.
Présentation d’un artiste que j’appréciais particulièrement à l’époque, et que j’admire toujours aujourd’hui.
Notez que l’article date, il ne reflète pas forcément mon avis actuel.
Article terminé le 24 mars 2018, corrections mineures le 13 avril 2021

[Sommaire]

Le peintre

Edmund Blair Leighton est né en 1852 et mort en 1922 en Angleterre. Les dates, je sais que l’on ne les retient jamais, pourtant cela place le cadre : Il a vécu pleinement l'Ère Victorienne (≈1850 à ≈1900). La majorité de ses peintures ont été réalisées à l’huile sur toile, une technique très difficile à maîtriser mais qui permet un jeu de couleurs et de nuances magnifiques. « La Joconde » de Léonard de Vinci a été faite ainsi, par exemple.
Blair Leighton a majoritairement peint des scènes médiévales souvent décrites « oniriques », ou des tableaux inspirés de la Régence anglaise (1811-1820). Ce peintre appartient au mouvement préraphaélite, né en Angleterre en 1848 ; ce mouvement artistique veut s’éloigner du style Victorien pour revenir au style coloré et réaliste datant d’avant les œuvres de Raphaël (peintre et architecte italien, 1483-1520).

Photo en noir et blanc, on y voit le peintre, un homme d’âge mûr, moustachu, bien habillé, assit, il regarde vers la caméra. Il tient un livre entre les mains.
Photographie d’Edmund Blair Leighton en 1900, photographe inconnu

Courtes analyses de tableaux

Les peintures qu’il a produites sont toutes très vivantes et réalistes. Pourtant on parle de médiéval « onirique » ! C’est l’idée d’un Moyen-Âge poétique et fantastique, comme on l’imagine aujourd’hui.
Je vais vous parler de quatre peintures de cet artiste, parmis mes préférées.

The Unknown Land

Premièrement, “To the Unknown Land” (« Vers le Pays Inconnu »), peint en 1911. Une mère pleure sur le rivage de la vie, alors qu’un ange et la mort emportent son bébé… Cette peinture est très triste et sombre. Elle est divisée en deux : à gauche, l’ange et le bébé dans la lumière, calmes et sereins : elle l’emmène au paradis. L’ange ne regarde que l’enfant, et est entourée de fleurs. Si le petit arrive au paradis, peut-être sera-t-il heureux ? Les ailes de l’ange trempent dans l’eau, elle n’a ni froid ni peur.
Le côté droit de l’image abrite lui aussi deux personnages : la mère pleurant et la mort. La mère cache son visage dans ses mains. Impossible de dire si elle est riche ou modeste, on ne voit que ses cheveux et sa robe de deuil. Elle vient de perdre un nouveau-né… et ne regarde pas l’ange l’emmener. La mort — ou Charon, on peut y voir le nocher, est dans l’ombre et manœuvre la barque. Son visage est caché dans une capuche… alors que la capuche de la mère est abaissée. Méchante mort ? Pourtant elle conduit la barque qui emmène le petit et l’ange au paradis…

Description donnée dans l’analyse plus haut. Image en noir et blanc, sans doute copie d’un dessin, ou photographie d’une peinture.
The Unknown Land

The Charity of Saint Elizabeth of Hungary

La seconde peinture est “The Charity of Saint Elizabeth of Hungary” (« La Charité de Saint-Élisabeth de Hongrie »), datée de 1895. C’est un des rares tableaux du peintre qui décrit la misère. Saint-Élisabeth, comme le dit la légende, était fille du roi André II, et distribuait de la nourriture aux pauvres de la ville en secret, car sa famille ne voulait pas les aider. Elle est richement habillée et on la reconnaît à son auréole. Ici la séparation se fait entre Élisabeth, jeune, bien habillée, rayonnante, et la pauvre vieille femme qui reçoit le pain, usée, pauvre, en haillons. D’autres nécessiteux attendent leur tour de recevoir du pain à droite : des vieilles, des enfants, une mère et un bébé, un vieillard. On devine un soldat derrière : veut-il maintenir le calme, protéger la princesse ? Il est noyé dans la foule. L’enfant dans la foule est intéressant : difficile de dire si c’est un garçon ou une fille, et il est pieds nus, on voit qu’il souffre de la misère. Élisabeth, en tendant le pain à la vieille, la regarde : elle veut aider les autres sans attendre de remerciements. La vieille, par contre, s’incline. Pas parce qu’elle se tient devant la princesse, mais par respect pour la générosité. La légende de Saint-Élisabeth est forte car elle ne transmet pas de valeurs religieuses : la seule chose qu’elle indique est qu’il faut être charitable et aider les autres…

Description donnée dans l’analyse plus haut.
The Charity of Saint Elizabeth of Hungary

Call to arms

Le troisième tableau est, comme le premier, triste. Il s’intitule “Call to arms” (« L’Appel aux armes ») et date de 1888. Un couple de jeunes mariés sort à peine de l’église où ils viennent de célébrer leur union, et un chevalier interpelle le marié : « Aux armes ! C’est la guerre ! ». Derrière, une masse de guerriers est déjà en marche, les gens sont à leurs fenêtres, effrayés et curieux. Le jeune marié, comme dans un réflexe, a saisi sa dague, et son bras gauche se lève comme pour dire « Attendez ! », marquant la surprise. Sa nouvelle femme à côté n’a pas encore fini de descendre les marches de l’église, et déjà on appelle celui qu’elle aime à la guerre… Elle s’accroche fermement à son bras, ne veut pas le quitter, le voir partir mourir sur le champ de bataille. Une opposition se fait entre eux : lui tient une dague, elle un bouquet de fleurs. Derrière les mariés, sur le parvis du bâtiment, les invités, les parents. Une femme âgée, peut-être la mère d’un des mariés, est la première à montrer de la tristesse. Le personnage à sa droite est sans doute le père du marié, qui va lui aussi devoir partir à la guerre. Sa femme lui prend la main. Quelle horrible souffrance que de voir partir au combat son aimé, mais juste après le mariage… c’est mille fois pire. On ne sait pas s’il reviendra.

Description donnée dans l’analyse plus haut.
Call to arms

The Accolade

Le dernier tableau est aussi mon préféré, et l’un des plus connus de Blair Leighton. Il s’agit de “The Accolade” (« L’Adoubement »), terminé en 1901. Une grande dame, sans doute reine au vu de sa couronne, adoube un chevalier selon la tradition, en passant son épée sur ses épaules. Le nouveau chevalier est jeune, mais fier. Avant son adoubement, il a passé une nuit entière à prier. On ne voit pas de volonté de puissance dans son regard : il s’écrase devant sa dame, et montre qu’il jure de la servir. La position de la dame est majestueuse : elle est plus forte que tous les chevaliers présents, de par sa noblesse et sa grâce. À droite, on aperçoit quelques spectateurs : un écuyer qui rêve sans doute de vivre un adoubement un jour, un vieux chevalier semblant fier de ce nouveau compagnon, et un moine à l’air effacé. La salle du trône est lumineuse, mais toute la lumière provient du vitrail situé derrière la dame. Aucun autre noble que la dame en vue. Elle domine toute la scène. Comme dans le tableau “The Charity of Saint Elizabeth of Hungary”, la dame regarde le chevalier mais celui-ci s’incline par respect et soumission. La lame de l’épée et le bras de la dame coupent le tableau en deux : d’un côté les spectateurs et de l’autre les deux protagonistes. Verrait-on un soupçon d’amour courtois apparaître entre eux…?

Description donnée dans l’analyse plus haut.
The Accolade

Liens utiles

Merci beaucoup d’avoir suivi mon exposé ! Il était très long à écrire, mais quel plaisir ! Je suis passionné par cette période médiévale semée de légendes, et ai pris beaucoup de plaisir à rédiger ces analyses picturales. Je voudrais préciser que tout ce que j’ai écrit concernant les quatre tableaux ne vient que de moi, et ces propos n’engagent que moi.

Pour en savoir plus :

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